Pour la première année, Alpine Planet était convié au Mondial de l’Automobile pour l’édition 2016. Le jeudi 29 septembre, il s’agissait de la journée presse de Renault (et d’autres constructeurs) avec la présence de l’équipe d’Alpine Cars. Ainsi, durant cette journée, nous avons eu la chance de passer près d’une heure avec Michael van Der Sande (Directeur général d’Alpine) dont vous pouvez retrouver l’interview ici, Bernard Olivier (Directeur général Adjoint) et Antony Villain (Directeur Design Alpine).
Nous avons eu l’occasion de rencontrer Antony Villain et de discuter avec lui pendant près de 40 minutes.
[Alpine Planet] Vous êtes depuis toujours au sein du design Renault. En dehors de l’Alpine, quel est le projet dont vous êtes le plus fier ?
[Antony Villain] : Il y en a deux, c’est la Clio 4 et le Captur de 2009 – 2012.
[AP] Vous travaillez toujours sur l’Alpine ?
[AV] : Oui, toujours, notamment sur le suivi qualité en usine qui fait également partie du travail de design et puis c’est une voiture qu’il va falloir faire vivre, et nous avons encore de beaux projets derrières.
[AP] Pourquoi les entrées d’air arrières similaires à ce que l’on retrouve sur l’A110 sont factices sur le concept Alpine Vision ?
[AV] : Il s’agit d’un clin d’oeil, nous n’avons pas besoin d’air à ce niveau-là. Tout l’air nécessaire au moteur est réceptionné au niveau de la custode, derrière les passagers.
[AP] On reprochait lors de la présentation de l’Alpine célébration d’être trop haute par rapport à d’autres concurrentes ou d’anciennes Alpine ?
[AV] : C’est un parti pris, on ne souhaitait pas faire une voiture radicale pour la piste pour laquelle il faut se plier en quatre pour s’y assoir, et puis il faut aussi noter que les gens ont grandi, par exemple, Laurens van den Acker fait 1,98 m et Michael Van der Sande fait 2,00 m. On voulait aussi que les femmes puissent entrer même avec une jupe, c’est un détail, mais cela a été dès le départ pris en compte dans la conception de la voiture. On ne voulait pas une voiture strictement pour la piste. On a voulu dans l’architecture avoir un véhicule accueillant pour de grandes personnes et on voulait aussi que des personnes plus petites avec un casque qui souhaitent faire du circuit puissent s’installer à bord ce qui n’est pas toujours le cas dans des voitures beaucoup plus basses.
C’est une voiture qu’on peut utiliser au jour le jour, nous l’avons voulue ainsi, mais ça ne lui a pas enlevé son caractère, car elle est très performante sur piste. Une voiture extrême limiterait beaucoup trop le nombre de potentiels acheteurs et donc risquer la relance de la marque. C’est quelque chose que nous avions décidé dès le départ tout en respectant la génétique de la marque.
[AP] Au niveau de l’intérieur sur lequel vous êtes intervenu également, vous avez fait le choix de l’aluminium sans privilégier le carbone.
[AV] : Le parti pris était de montrer de l’aluminium pour la structure, du cuir pour ce qui est en contact avec le corps, et tout ce qui est de la pièce d’habillage : du carbone. On retrouve du carbone sur les aérateurs, sur la casquette, sur la console pour le décor, en revanche dès qu’on revient à la structure, c’est de l’aluminium. C’est une hiérarchie qu’on a élaborée et qu’on a respectée sur l’ensemble de l’habitacle. On n’était pas dans la philosophie du tout carbone.
[AP] Sur Vision on voit que c’est l’A110 qui a servi aux grandes références stylistiques. Dans les années 2000, d’autres prototypes ont vu le jour. Est-ce que le travail effectué sur ces prototypes a été utilisé sur la future alpine ?
[AV] : Je connais bien ces prototypes A710, ils sont stockés au techno centre, mais, pour répondre : non, ils n’ont pas eu d’influence sur le développement de la nouvelle berlinette. Nous sommes repartis sur la base de l’A110, elle a l’image la plus forte dans les mémoires, elle a tout l’ADN. Par le passé, il y a eu de l’Alpine Renault, Renault Alpine. Maintenant, ce sera ALPINE.
[AP] Est-ce qu’il a été difficile de travailler avec la communauté et les anciens propriétaires ?
[AP] : On a travaillé avec l’Advisory-Board sur les bases, avec plusieurs échanges. Nous avons pris en compte leurs remarques, mais surtout savoir si le curseur était bien placé. Aujourd’hui, on a considéré que pour un contexte de relance d’une marque qui a disparu il y a 20 ans, c’était le bon équilibre.
Pour donner un indice, la France a un inconscient collectif très fort autour d’alpine. Mais à quelques exceptions près, Alpine n’est pas connu directement comme une marque française à travers le monde. (Au moment de l’interview, l’alpine n’avait pas encore débarqué au japon).
On a eu un dilemme de paraître trop premier degré pour la communauté française, et inversement dans un pays asiatique si on vient avec une voiture qui ne reflète pas son histoire, il était essentiel de faire un lien fort avec la berlinette. Certains disent que c’est du néo-rétro, mais vu de l’étranger ça ne l’est pas du tout, au contraire.
[AP] L’alpine sera t-elle homologué pour les Etats-Unis ?
[AV] : Aujourd’hui, ce n’est pas dans les plans. D’abord l’Europe, puis d’autres pays par extension. Mais nous devons d’abord réussir l’Europe qui est le marché clef. Les marchés français et allemand sont difficiles.
[AP] Est-ce que vous avez travaillé sur Trezor ?
[AV] : Non
[AP] Qu’en pensez vous ?
[AV] : moi j’adore 🙂
[AP] On voit un travail sur la carrosserie de type nid d’abeille. Est-ce que c’est transposable aujourd’hui en série ?
[AP] : D’un point de vue conception, c’est un travail et une techno qui viennent de l’architecture. Si on devait emboutir le métal sur une grande surface, aujourd’hui clairement non. Mais sur de petites pièces, pourquoi pas. Il y avait eu un premier essai sur la décoration du concept Captur, sur du plastique injecté, là c’est tout à fait possible d’obtenir ce type de forme.
Mais il me serait difficile de dire qu’est-ce qui viendra en série en premier. Ces objets ne sont pas gratuits et même si les designers se sont fait plaisir (ce sont ceux qui ont également travaillé sur l’Alpine), tout le travail de recherche autour de Trezor va servir d’inspiration.
si les rétroviseurs paraissent gros, c’est aussi que la voiture est toute petite.
[AP] On a récemment vu deux prototypes sur les routes espagnoles et on voit que les rétroviseurs ont bien changé ?
[AV] : C’est principalement pour des contraintes d’homologation, on passe tout juste homologation qui pousse a grossir les objets de rétrovision d’année en année. Mais en fait s’ils paraissent gros, c’est aussi que la voiture est toute petite. On a trois points de visions à passer pour l’homologation et là nous les passons tout juste et à échelle de la voiture cela semble grand.
Voir l’article :Premiers prototypes sur les routes.
[AP] Si les caméras venaient à être homologué ce serait une libération d’un point de vue stylistique ?
[AV] : Qui dit caméra, dit forcément écran avec la gestion des reflets à prendre en compte, mais surtout, le travail d’homologation prévoie que les écrans intérieurs doivent être de la taille des rétroviseurs s’ils devaient être à l’extérieur, donc ça déporte le problème de taille à l’intérieur.
les premières Alpines sorties d’usine seront des séries limitées exclusives
[AP] Les précommande s’annoncent ? Quel est l’engouement ?
[AV] : On a vraiment un engouement très fort, on va bientôt ouvrir les précommandes, on a des gens, des clients qui se sont présentés pour verser un chèque. Mais il va falloir d’abord les construire, car les premières Alpine sorties d’usine seront des séries limitées exclusives !
On va avoir un gros travail pour expliquer tout ce que l’on a fait sur la voiture, comment elle marche et surtout qu’est ce qui la rend si exceptionnelle.
[AP] On attendait un événement en décembre, là on s’oriente vers janvier ?
[AV] : Il n’y a clairement pas de retard technique, c’est juste un problème de calendrier, on ne peut pas se retrouver avec deux événements trop proches.
[AP] Au niveau avancement du développement on en est où ?
[AV] : Quand on a dit que vision était fidèle à 80 %, c’est une voiture presque finie. Actuellement, nous sommes dans une phase d’industrialisation et de fiabilisation. On fait toute la mise au point. On a eu une partie de la mise au point qui a servi à travailler sur certaines pièces et maintenant, on a tout regroupé avec le bon moteur, la bonne boite, le bon châssis.
Camoufler la voiture fait partie du processus, presque un jeu pour nous !
[AP] La voiture a fait ses premiers tours de roue complètement camouflée, on reconnaît pourtant très bien les traits de la vision, pourquoi un tel camouflage ?
[AV] : Camoufler la voiture fait partie du processus, presque d’un rituel dans le cycle de développement d’une voiture. On voit Range Rover qui communique carrément sur son camouflage, cela en devient presque un jeu pour nous.
Et puis, pour sincère, il y a des pièces prototypes et donc en définitive, il manque des pièces. La voiture n’est pas montrable, ce camouflage est encore vraiment nécessaire pour préserver la révélation de la voiture finale.
[AP] Qu’elles vont être les différences entre la vision et la future berlinette.
[AV] : Pour la petite anecdote, lorsque nous avons commencé à travailler sur la vision nous nous sommes dit que nous ne devions surtout pas refaire comme sur la Laguna Coupé Concept qui a subi de nombreuses retouches lors de son passage à la série. Pour le dire, on n’a presque pas touché la vision, je suis très content des premiers retours sur les spyshots. On ne voulait pas d’effet Whaooouuuu puis décevoir avec le retour à la réalité. Du coup, c’est la même, elle a à peine évolué entre temps, mais seulement pour des raisons de faisabilité. Seul un œil averti est à même de percevoir les différences.
Il n’y aura pas que du noir pour l’intérieur.
[AP] Quand on voit la vision, pourquoi un intérieur noir quand à coté on a une MEGANE GT avec des sièges bleus ?
[AV] : Il y aura des alternatives, mais il ne faut pas oublier que 80 % des modèles de cette catégorie sont choisis en finition noire. Il n’y aura pas que du noir pour l’intérieur.
[AP] Vous avez travaillé sur le développement des futurs showroom Alpine ?
[AV] : Oui, nous avons travaillé sur les showrooms, les produits dérivés, l’expérience digitale : on travaille avec des agences externes pour les sites web. Mais nous faisons également une grande partie directement en interne au sein de la direction artistique.
[AP] L’équipe design autour de l’alpine aujourd’hui c’est combien de personnes ?
[AV] : Aujourd’hui c’est 10/12 personnes, mais il y a un an, il y avait plus de designers, de personnes au profil de modeleurs parce qu’on faisait la voiture. Actuellement, on est plus sur une équipe orientée sur la marque, le digital, l’architecture, car ce n’est pas le même besoin. On fait du merchandising, dessine les produits dérivés. Nous avons travaillé également pour Signatech-Alpine, sur les produits dérivés aussi.
On va aussi parfois à Bourges pour poser la décoration sur l’A460. Lors des 24h du mans nous avons également travaillé sur l’Hospitality-center.
On travaille sur tout, la combinaison des pilotes. On choisit également les photographes et je peux vraiment dire que le site actuel est à l’image de ce que l’on essaye de faire avec Alpine.
[AP] Pourquoi ne pas avoir amener l’Alpine au Salon de Paris ?
[AV] : Pour nous c’est un choix naturel, nous ne voulions pas noyer l’alpine au milieu de nombreux messages diffusés à travers le salon. De plus, il y a aussi des raisons économiques. Un stand, ça coûte très cher et même si la marque Alpine appartient à Renault, nous n’avons pas les mêmes ressources. Cela serait un investissement très important alors que nous n’avons pas encore présenté le modèle final. Avec les économies que nous avons effectuées, nous pouvons faire quelque chose de bien plus intéressant ailleurs et dédié à la marque avec un message clair.
on nous livre le nouveau sticker par moto en moins d’une heure !
[AP] Vous parliez de vos liens très proche avec Signatech-Alpine, pouvez vous m’en dire plus ?
[AV] : Nous avons la chance de par notre taille de pouvoir conserver une connexion très forte entre nous et la compétition. C’est une belle aventure humaine. Lorsque je vais au centre de Signatech, je sais que je vais rejoindre des amis et participer à leur aventure, leur équipe. Il y a un très bel état d’esprit. Ils ont un vrai savoir-faire, une expérience, tout va plus vite, ils souffrent moins de l’inertie que peut ressentir un gros constructeur. Par exemple, lorsque l’on s’occupe des décorations de l’A460 et qu’il nous faut une correction sur un sticker, on contacte l’équipe dédiée et on nous livre le nouveau sticker par moto en moins d’une heure.
le lendemain de la présentation du concept Dezir, on a vu fleurir sur le web des versions bleu disant c’est la future Alpine
[AP] Qu’a apporté l’A110–50 dans l’Alpine d’aujourd’hui ?
[AV] : L’A110–50 a été élaborée en seulement six mois, il était vraiment question d’Alpine, mais l’échéance était trop courte pour présenter quelque chose en lien avec la future voiture, mais il fallait marquer les 50 ans de la marque. Je me souviens que le lendemain de la présentation du concept Dezir, on a vu fleurir sur le web des versions bleues disant c’est la future Alpine. Du coup, on a suivi l’idée en reprenant Dezir et un châssis de World Series et nous nous sommes fait plaisir avec la communication sur l’anniversaire de la marque.
La question du nom s’est posée, est-ce que c’est Alpine Renault ou Renault Alpine, surtout qu’à ce moment-là, la marque n’était pas complètement annoncée. Et le merveilleux accueil fait à l’A110–50 a certainement encouragé et accéléré le travail sur la renaissance de la marque. Mais si l’on regarde l’ADN d’alpine et les proportions, on savait que ce n’était pas Alpine, elle était trop grosse, trop spartiate. Ce n’est pas neutre, mais cela a permis de réveiller l’inconscient collectif d’Alpine.
[AP] En continuant sur les concepts, la vision gran turismo est plus un clin d’œil à l’histoire qu’une piste vers la nouvelle berlinette ?
[AV] : La berlinette était déjà bien avancée au moment de la conception de Vision GT. Elle a été développée très rapidement. À la base, ce projet aurait dû rester strictement digital. On ne voulait pas que cela annonce trop directement la berlinette à l’exception d’un léger clin d’œil. De plus avec notre engagement en LMP2, nous nous sommes orientés vers une barquette type Le Mans ouverte comme l’A450. Puis nous avons puisé dans l’histoire avec l’A220/210. On a mélangé tout ça pour faire une voiture fantasmée.
Michael van der Sande qui était encore au marketing quand il est venu nous voir en nous disant qu’il fallait absolument la fabriquer.
[AP] Et avec l’engouement autour de cette vision GT, il n’est pas envisageable de la voir transposée sur le réel avec une base de RS01 dans une compétition monotype?
[AV] : Comme on relance une marque, on pourrait pécher par excès. Mais aujourd’hui il faut d’abord exploiter la voiture, la faire vivre, faire toutes les versions compétitions.
Vision Gt c’est du fun, c’est superbe et on a pris beaucoup de plaisir à travailler dessus. Cela nous inspire pour la suite et peut-être qu’un jour nous construirons une LMP1 en nous inspirant du travail déjà réalisé sur la vision GT. C’était une opportunité exceptionnelle avec Polyphony Digital. On a vu l’engouement du public autour du concept et Michael van der Sande qui était encore au marketing est venu nous voir en nous disant qu’il fallait absolument la fabriquer. Ce sont de petits bonbons dans la carrière d’un designer.
Merci beaucoup Antony Villain.
Nous tenions à remercier toute l’équipe Renault (Maxime Cannesson en particulier) et l’équipe Alpine Cars pour leur disponibilité.