Au sein de la rédaction nous nous sommes demandés longtemps si nous devions parler d’un véhicule badgé Renault Sport fût-il le Spider, produit à Dieppe. J’étais partisan du pour et lorsque l’on a pu en essayer un, le doute n’était plus permis, la génétique ne ment pas.
Avant de vous présenter la « bête jaune », vous proposons notre nouvelle vidéo conçue avec Bagnole Bagnole pour un essai de Renault Spider !
Le Renault Spider, d’aluminium et de composite
En 1994 quand Yves Legal se voit confier la création de la voiture des années 2000. La 4L vient de cesser sa production pour être remplacée par la Twingo, la Safrane n’a qu’une année de production. Alpine a remplacé la GTA par l’A610 et la marque dieppoise commence à sentir le sapin.
Il confie la réalisation des premiers prototypes à deux hommes :
- Daniel Charles, cadre Renault Sport
- Claude Fior, basé à Nogaro et concepteur de motos et de voitures pour les écoles de pilotage.
Ils se mettent d’accord pour partir sur un châssis en aluminium. Claude Fior connait déjà bien l’alu pour s’en être servi sur les motos de course. Léger, il absorbe les chocs et les vibrations.
Le Renault Spider repose donc sur un châssis en aluminium habillé d’une carrosserie en matériaux composites. Une conception à la fois légère, l’auto ne fait que 930 kg sur la balance soit près de 300 kg de plus qu’annoncé lors de la présentation. Sa hauteur réduite à 1,25 m, et encore en tenant compte de l’arceau de protection, surmontant les deux sièges baquets.
Rétablir la vérité sur la motorisation du Renault Spider
Contrairement à la croyance populaire, le moteur en position centrale arrière n’est pas celui de la Clio Williams. Si le prototype et les versions CUP en sont bien équipées, les versions route pour des raisons de dépollution et de prix héritent elles du F7R de la Mégane Coupé. Cela se traduit par plus de couple en bas même si l’agrément à haut régime s’en ressent.
Renault Spider / Bagnole Bagnole Renault Spider
Dès que la production a été envisagée, il a été décidé d’utiliser le moteur du coupé Mégane. Les raisons de ce changement sont le prix et la dépollution.
Didier Deffrasnes (chef de projet études) Alpine les secrets de fabrication AAA
Le premier châssis du futur Renault Spider roule sur la piste de Nogaro, attenante à l’atelier, et semble bien né.
Fior fabrique une carrosserie brute taillée à la serpe pour tester les éléments mécaniques sans rien laisser deviner ce qui se cache derrière ce projet. La voiture est peinte en noir mat et se voit affublée du surnom « d’araignée noire”.
Celui qui s’appelle encore Spyder (il n’y a pas d’erreur) est un projet non officiel chez Renault. Le projet rebaptisé W94 pour le rendre moins parlant auprès des personnes non concernées. W94 intègre le projet gamme de Renault en conservant ce code. En décembre de la même année alors que la version argile est terminée, il est décidé de présenter une version commercialisable au Salon de Genève 1995. Les équipes ont trois mois pour construire un modèle de Salon du Speedair (oui, speedair).
Du côté de Dieppe, on voit d’un très mauvais œil ce nouveau projet, pourtant destiné à sauver l’usine.
Crime de lèse-majesté, le Spider est conçu à Nogaro et non à Dieppe, dans le fief d’Alpine. Quand le projet Spider a été présenté, l’usine assemblait des Espace et des Clio société. Cela a permis de sauver des emplois, mais quand on connait l’histoire de la marque, cela manque de panache.
“Le Spider aurait dû fédérer tout le monde, mais cela n’a pas été le cas. Il y avait un sérieux décalage de culture entre les gens de Renault, de Nogaro et les Alpinistes de Dieppe. Ils n’ont pas compris que l’on venait leur donner du boulot”.
Daniel Charles
Renault Spider, un design avant tout
La carrosserie définitive sera dessinée par le bureau de design du Technocentre. Christian Contzen, proche de Patrick Le Quément, choisissent la proposition de Benoît Jacob.
Sketch définitif du Renault Spider
Ce qui caractérise le Spider c’est son design. Quand on parle du Renault Sport Spider, la première chose dont on parle, c’est son absence de pare-brise. Ce profil plat avec seulement un arceau, qui le surplombe à une ligne qui en rappelle d’autres.
Le Spider est un savant mélange de deux concept-cars présenté par la Régie, la Laguna et surtout l’Argos. La face avant rappelle sans aucun doute l’A220. Le Spider marque aussi la rupture avec le biodesign jusqu’alors en vogue, dont la Twingo en est le porte drapeau.
Concept Renault Laguna Concept Renault Argos Alpine A220
Christian Contzen aime les paris et malgré les contraintes techniques et économiques, il savait qu’une fois présenté à la presse, le projet serait lancé. La maquette du salon était bien incapable de se mouvoir seule bien qu’équipée de sa mécanique de Williams.
Louis Schweitzer est séduit par le Spider et semble privilégier le nom Alpine.
“À quoi ça sert qu’on dépense des centaines de millions chaque année pour gagner en Formule 1 et promouvoir la marque Renault Sport, si on sort ce Spider sous la marque Alpine ?”
Christian Contzen à Louis Schweitzer
D’Alpine à Renault, il n’y a qu’un pas
Celle qui aurait pu et dû s’appeler Alpine Spider arbore le sigle Renault Sport. Présent en compétition depuis 1979 mais absent des concessions, c’est maintenant chose faite, au détriment d’Alpine.
Le Spider est présenté au grand public au Salon de Genève 1995 où il remporte un beau succès.
Elle est disponible en deux versions :
- L’une sans pare-brise, avec saute-vent
- L’autre avec pare-brise (a partir de 1997)
- 4 teintes (jaune 535, rouge 250, bleu 273 et gris 647)
Accusant 35 kg de plus sur la balance, la version pare-brise sera la plus répandue car beaucoup plus pratique à l’usage.
A l’avant comme à l’arrière, on retrouve des triangles superposés, une barre anti-roulis et des rotules de série montées rigidement sur le châssis. La Renault Spider ne renie également pas son ADN en reprenant le système de freinage complet de l’Alpine A610.
Sur la route, grâce à sa légèreté, sa monte de pneumatiques (205/50 R16 à l’avant, 225/50 R16 à l’arrière) et sa bonne répartition des masses (42%/58%), sans direction assistée ni ABS, doté d‘un empattement de 2,34m, le Spider se pilote et se vit.
De 1995 à 1999, seuls 1.726 exemplaires du Spider ont été produits, dont 80 Spider Trophy destinés au championnat européen. Il n’était pas destiné à être produit en masse.
Dans l’habitacle, on ne trouve que de deux sièges baquets très accueillants dans lesquels on se sent immédiatement chez soi, trois compteurs, un bouton de warning, un levier de vitesses à la marche arrière déroutante et un pédalier.
Renault Spider – Les Alpinistes Renault Spider – Les Alpinistes Renault Spider – Les Alpinistes
A vrai dire, qu’avons-nous besoin de plus ?
En option, pour les bourgeois, une radio, une sur-moquette, un porte-bagages, des jantes spécifiques et pour la version pare-brise, une capote en toile. Pour la sécurité, un airbag conducteur était lui aussi disponible en option.
Renault Spider, la compétition.
Trophy
Renault Spider Trophy Renault Spider Trophy
La version Trophy, conçue spécifiquement pour la course, avec un châssis aluminium encore plus léger de seulement 850 kg, une boîte six rapports et un moteur F7R de Clio Williams de 180 ch. Les modèles suivants intègrent une boîte séquentielle pour optimiser ses performances.
Renault a une longue tradition des formules de promotion. Commencées avec la Renault 8 Gordini, la 12 puis l’éphémère 5LS et enfin R5 Alpine. Ensuite viennent les formules européennes comme la Coupe d’Europe Renault 5 Turbo, l’Europa Cup avec l’Alpine GTA, la Renault 21 Turbo puis la Clio, le Spider Renault Sport Trophy arrive en 1996.
Dès le début, 12 courses sont organisées dont 7 en ouverture de Grand-Prix de Formule 1, avec 40 voitures. La toute première course a lieu à Imola en ouverture du grand prix de San Marin.
Au fil des 4 saisons du Trophy, certains noms sortent du lot, comme Jason Plato, futur champion de BTCC, Andy Priaulx, Frank Lagorce, vainqueur du Spider Trophy la première année, Philippe Gache.
Le Mans
© Franck Le Saux Renault Spider Legeay
Patrick Legeay s’était déjà illustré avec une A610 bien préparée qui finira 13ème en 1994 aux 24 heures du Mans.
Mais en 1995 c’est la faillite la deuxième A610 est abandonnée. Avec la bénédiction de Contzen, il greffe la mécanique de cette A610 dans un Spider coupé afin de l’aligner en 1996.
Cependant elle ne fut pas qualifiée, par manque de préparation malgré des temps honorables aux essais préliminaires. Elle courra à la Coupe d’Automne de l’ACO et finira 14ème.
Renault Fiftie
En 1996, pour célébrer les 50 ans de la 4CV, Renault présente un prototype basé sur le Spider la Renault Fiftie. Encore une fois, Renault a les bonnes idées mais pas la volonté ni le marché pour les produire. Le projet en restera là malgré l’arrivée sur le marché de la tendance néo-rétro inaugurée par la Beetle deux ans plus tard.
Le Spider dans les années 2000
RJ Helem / TS07
RJ Racing Helem RJ Racing Helem RJ Racing Helem
Dans le prolongement des études de Legeay, Jean-Michel Roy, associé à Brian Johnson, créé RJ Racing et obtient l’accord de Renault pour concevoir une voiture de course sur la base du Spider et homologué en GT2. Ce règlement oblige une production de 50 exemplaires.
C’est ainsi qu’une version civile équipée d’un moteur de Venturi voit le jour. Mais aucune autre voiture ne verra le jour. Brian Johnson repart en Angleterre avec la voiture. Claude Fior et sa structure Nogaro Technologie tentera de faire revivre le projet mais son décès arrêtera net la tentative.
Vient ensuite une autre société française Technicalk studio qui essaiera sans succès de produire 12 exemplaires.
L’histoire en restera là.