Alors que nous nous appelions encore Alpine Planet, notre rencontre avec Nicolas Gozillon en 2017 reste gravée comme un moment privilégié. D’une gentillesse rare, Nicolas nous avait ouvert les portes de son temple dédié à Alpine, le temps d’un après-midi.
Depuis, cet artisan exceptionnel, qui incarnait un savoir-faire unique dans la préservation des modèles Alpine, a mis fin à son activité en 2023. Ce souvenir, désormais empreint de nostalgie, témoigne de l’héritage d’un passionné dont l’expertise et la générosité auront marqué tous ceux qui ont eu la chance de croiser sa route.
NG Sport, le graal de tous les passionnés
Sous l’œil aiguisé de notre photographe, Pierre-Emmanuel Alain, nous avions pu découvrir l’univers fascinant de cet artisan passionné et de ses trésors automobiles. Aujourd’hui, nous retournons sur ses traces pour partager avec vous l’histoire d’un homme dont le savoir-faire et l’amour d’Alpine continuent d’inspirer.
Dans un garage imprégné d’une odeur d’huile et d’échappement, où Alpine est reine, Nicolas Gozillon, 56 ans, œuvre avec passion. Ce sanctuaire automobile, situé à Bouville, abrite plus d’une trentaine de modèles, des mythiques Berlinette A110 à l’imposante A610 bi-turbo de 400 chevaux. Ici, la mécanique est un art, et Nicolas en est le maître incontesté.
Parmi les joyaux de ce garage figure une V6 Turbo Europa Cup, ayant couru entre 1985 et 1988 lors des coupes monotypes, en ouverture des Grands Prix de Formule 1. Nicolas la décrit avec fierté : « Son V6 Turbo développe 300 chevaux et atteint les 300 km/h. » À ses côtés, une A310 de 1971, l’un des tout premiers modèles équipés d’un moteur 4 cylindres, témoigne des débuts de la marque.
Un peu plus loin, une Berlinette A110 de 1971 attire l’attention. Entièrement désossée, avec un trou béant à la place du moteur, elle attend une renaissance complète. « Elle est à refaire dans sa totalité. Il n’y a plus rien, mais je fais tout moi-même. » La restauration coûtera environ 15 000 € à son propriétaire, pour un véhicule estimé à 70 000 €. « Dans un mois ou deux, elle sera prête », promet Nicolas.
Une clientèle de passionnés
Le garage de Nicolas Gozillon attire des amoureux d’Alpine venus de toute la France. « 50 % de mes clients viennent de la région parisienne, les autres de tout le pays. Ce sont de vrais passionnés », explique-t-il. Quelques étrangers font également appel à ses talents, mais la majorité de ses clients ont un lien fort avec la marque. « Beaucoup travaillent chez Renault et possèdent une Alpine. Même le patron de Renault Sport, son designer ou encore le chef du design intérieur de la nouvelle Alpine font entretenir leurs voitures ici. »
Sur le parking, une V6 Turbo rouge, impeccable, attend son futur propriétaire. « Ça m’arrive d’en vendre. Une belle V6 Turbo comme celle-là vaut entre 20 000 et 30 000 €. »
Une passion née à 13 ans
L’histoire d’amour entre Nicolas et Alpine remonte à ses 13 ans. « Les premières Alpine, c’était des soucoupes volantes. Imaginez, en 1973, avec des R12 et des Aronde autour. C’était futuriste ! » Cette fascination s’est transformée en métier lorsqu’il a rejoint ce garage en 1993, avant de le racheter en 2004. « J’ai acheté ma première Alpine en 1982, une A310 4 cylindres. »
La réputation du garage s’est construite au fil des décennies. « Mon ancien patron a eu l’idée de se spécialiser dans Alpine dès le début des années 80. Le milieu est petit, on se connaît tous. Aujourd’hui, notre savoir-faire est reconnu partout en France. »
Nicolas Gozillon incarne une expertise rare. « Je rectifie et surface moi-même les volants moteurs. Ce sont des pratiques qui se perdent. » Ce soin du détail contribue à son succès, dans un secteur où les artisans capables de telles prestations deviennent rares.
L’avenir : entre passion et transmission
Il envisage de prendre sa retraite dans six ou sept ans. « Mon idée serait de former quelqu’un un ou deux ans avant de partir pour reprendre le flambeau. Certains clients m’ont dit : ‘Si tu pars, on rend la voiture.’ Si je m’en vais, ce sera un savoir-faire qui disparaîtra. »
En attendant, Nicolas continue d’entretenir les classiques et se prépare à accueillir la toute nouvelle Alpine. « Certains de mes clients l’ont déjà commandée », confie-t-il avec enthousiasme. Successeur de VEC Racing, son garage reste une référence pour les amateurs de la marque au A fléché, un lieu où chaque modèle, chaque intervention, témoigne de la passion et du dévouement d’un homme pour une marque d’exception.