La dernière journée des essais de pré-saison 2025 sur le circuit de Sakhir à Bahreïn a été riche d’enseignements pour l’écurie BWT Alpine Formula One Team. Pierre Gasly et le rookie Jack Doohan ont affiché une performance encourageante, marquant un net contraste avec les tests de 2024.
Pierre Gasly s’est hissé parmi les plus rapides en piste, tandis que Doohan a accumulé de précieux kilomètres pour sa première en Formule 1. Au-delà des temps au tour bruts, Alpine semble avoir amélioré la gestion des pneus, l’efficacité aérodynamique et la stabilité de sa monoplace A525.
Cette progression s’inscrit dans un contexte d’évolution interne, avec une direction renouvelée menée par Oliver Oakes et Flavio Briatore. L’écurie affiche des ambitions affirmées pour 2025, cherchant à capitaliser sur la dynamique positive de fin 2024.
Dans cet article, nous analysons en profondeur les performances d’Alpine lors de cette troisième journée d’essais 2025, en les comparant aux essais de 2024 et à la concurrence, mais aussi en intégrant les observations recueillies dès le Jour 1 et l’analyse technique de Gary Anderson (source : The Race).
De quoi dégager les tendances, les améliorations réalisées et les défis qui demeurent avant le début de la saison.
Première journée 2025 : solide entame pour Alpine
Si la troisième journée a confirmé la progression d’Alpine, la première journée d’essais hivernaux à Bahreïn avait déjà donné le ton. Pierre Gasly et Jack Doohan se sont partagés le volant de la nouvelle A525, bouclant à eux deux 140 tours, soit 758 kilomètres, un premier indicateur très positif pour la fiabilité de la voiture.
• Jack Doohan a terminé 14ᵉ avec un chrono de 1’31″841 (68 tours le matin).
• Pierre Gasly, pour sa part, a signé un prometteur 6ᵉ temps en 1’31″353 (72 tours l’après-midi).
Cette bonne entame tranche avec les débuts bien plus laborieux de 2024 : à l’époque, l’A524 souffrait d’un surpoids et d’un comportement imprévisible, ce qui avait précipité Alpine dans une spirale négative avant même le premier Grand Prix. À l’inverse, Pierre Gasly s’est dit « particulièrement satisfait des premières sensations » cette année : « La voiture s’est tout de suite bien comportée ». Dès la première journée, l’A525 laissait donc entrevoir un potentiel significatif.
Comparaison 2024 vs 2025 : Alpine monte en régime
D’emblée, la comparaison des résultats entre les essais de 2024 et ceux de 2025 met en évidence les progrès accomplis par Alpine en l’espace d’un an. Lors de la 3ᵉ journée d’essais à Bahreïn en 2024, le meilleur chrono de l’équipe avait été réalisé par Pierre Gasly en 1 min 32,149 s (15e temps), Esteban Ocon signant 1 min 33,079 s (17e temps). Un an plus tard, en 2025, Gasly a tourné en 1 min 30,040 s, soit plus de 2 secondes plus rapide, se hissant ainsi au 5e chrono du jour. Jack Doohan, pour sa première pré-saison en F1, a bouclé un 1 min 31,239 s (12e temps).
Un autre indicateur clé de la progression d’Alpine est le nombre de tours parcourus et la fiabilité de la voiture. En 2024, l’équipe avait cumulé 102 tours lors de la dernière journée, avec quelques soucis mineurs (notamment un élément de carrosserie mal fixé). En 2025, Alpine a bouclé 145 tours le Jour 3, sans la moindre interruption mécanique. « Nous avons eu trois journées sans le moindre accroc et la voiture a bien tourné toute la semaine », confiait Jack Doohan, insistant sur la robustesse de l’A525.
Bien sûr, les conditions de piste et les programmes de roulage diffèrent entre les deux années, mais Gasly lui-même admet que l’équipe se trouve « dans une position bien plus solide en abordant 2025 que l’an dernier ». Alors qu’en 2024, l’écurie devait corriger en urgence des problèmes fondamentaux (surpoids, concept aéro capricieux), Alpine a pu aborder l’hiver 2024–2025 en se concentrant sur l’optimisation d’une base déjà mieux comprise.
| Indicateur (Jour 3 Bahreïn) | 2024 (A524) | 2025 (A525) |
|---|---|---|
| Meilleur tour Alpine | 1’32″149 (Gasly, P15) | 1’30″040 (Gasly, P5) |
| Deuxième pilote | 1’33″079 (Ocon, P17) | 1’31″239 (Doohan, P12) |
| Écart avec le meilleur temps | + ~1,5–2 s (est.) | + 0,495 s (Gasly vs meilleur) |
| Tours accomplis (Jour 3) | 102 tours (47 + 55) | 145 tours (84 + 61) |
| Fiabilité | 1 aléa mineur (pièce détachée) | Aucune anomalie sur 3 jours |
| Feeling pilote | Voiture « tricky » par moments | Confiance et aisance affichées |
En somme, les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’A525 est plus rapide, plus endurante et inspire davantage confiance à ses pilotes que ne le faisait l’A524 en 2024.
Analyse technique : ce qui a changé sur l’A525
Le journaliste technique Gary Anderson (ex-directeur technique de Jordan et Jaguar) a livré une analyse approfondie de l’A525 pour The Race. Selon lui, Alpine a choisi la voie de l’évolution plutôt que de la révolution complète par rapport à la voiture de fin 2024. L’écurie avait terminé l’année dernière sur une bonne dynamique, après un début de saison « catastrophique » (voiture trop lourde, comportement imprévisible). Les ingénieurs d’Enstone et Viry ont donc affiné le concept existant pour 2025.
Aileron avant et suspension avant
• Peu de changements visibles sur l’aileron avant par rapport à la spécification de fin 2024.
• La suspension avant conserve une architecture similaire (système à poussoir), avec des niveaux d’anti-plongée comparables au triangle supérieur. La biellette de direction reste séparée.
Pontons et entrées d’air
• Entrées de radiateur moins hautes, avec une ouverture qui s’étend davantage vers l’angle extérieur.
• La section verticale intérieure de l’entrée (« boîte aux lettres ») légèrement avancée.
• Selon Le Blog Auto, « les ouvertures latérales s’affinent encore tout en s’allongeant, débordant même sur les pontons ».
Plancher
• Disparition de l’ouverture qui connectait l’écoulement d’air à l’intérieur du pneu.
• Support de plancher désormais à un angle moins prononcé, améliorant la rigidité et l’étanchéité latérale.
• Déflecteurs plus agressifs sur le bord extérieur, avec une section courbe derrière ces déflecteurs raccourcie.
• Objectif : extraire davantage d’air du coin avant du plancher et optimiser l’étanchéité aéro pour générer plus d’appui.
Suspension arrière et partie arrière
• La suspension arrière conserve un schéma poussoir.
• Anderson note un anti-soulèvement plus marqué sur le bras avant du triangle supérieur et un bras avant du triangle inférieur monté plus bas à l’intérieur.
• La partie arrière présente une immense ouverture comparable à des tuyères, favorisant l’extraction d’air.
Dans l’ensemble, Alpine s’est attachée à améliorer le flux d’air et l’étanchéité du plancher, deux éléments cruciaux pour générer un appui aérodynamique stable sans trop de traînée. Les évolutions structurelles de l’A525 servent avant tout à fiabiliser et peaufiner le concept de 2024, plutôt qu’à bouleverser complètement la conception de la monoplace.
Analyse détaillée des performances d’Alpine
Chronos et rythme sur un tour
Pierre Gasly a exploité le potentiel de l’A525 en réalisant un 1’30″040, à seulement cinq dixièmes du meilleur temps absolu de la journée (1’29″545). Il a signé ce chrono avant que la piste n’atteigne son pic d’adhérence, preuve que la monoplace possède déjà un rythme très compétitif. Jack Doohan, sans chercher la performance ultime, a marqué un 1’31″239, un résultat solide pour un rookie, à environ 1,2 seconde de Gasly.
Dégradation des pneus et constance des relais
Alpine semble avoir franchi un palier dans la gestion des pneumatiques par rapport à 2024. Sur les composés C1, C2 et C3, les relais longs de Doohan et Gasly ont montré une usure linéaire et une dégradation contenue. Là où l’A524 malmenait ses gommes, l’équilibre plus sain de l’A525 permet désormais des rythmes constants sur la durée. Gasly n’a vu ses temps dériver que d’une seconde sur une quinzaine de tours, un signe de bonne tenue de gomme et de mise en température homogène.
Charges aérodynamiques et adhérence en courbe
Avec l’A525, Alpine génère davantage de charge aéro, offrant plus d’adhérence dans les virages rapides de Sakhir. Les ingénieurs rapportent des accélérations latérales pouvant approcher 5 g, en légère hausse sur 2024.
L’équilibre aérodynamique apparaît plus sain : moins de sous-virage chronique à l’entrée des virages lents, et la voiture reste stable au freinage (-4,5 g soutenu de manière plus régulière). En sortie, la motricité est renforcée, permettant à Gasly de réaccélérer plus tôt.
Les pilotes décrivent une voiture au comportement prévisible, qui exploite mieux la limite d’adhérence du pneu.
Vitesse moyenne et efficacité
Le gain de performance se traduit par une vitesse moyenne au tour plus élevée. Sur son meilleur tour, Gasly tournait autour de 216,4 km/h de moyenne (contre ~211 km/h en 2024).
Alpine a donc gagné environ 5 km/h sur un tour complet. La vitesse de pointe est correcte (environ 315 km/h pour Gasly) malgré un aileron plutôt appuyé, attestant d’une bonne efficacité aérodynamique (plus d’appui sans trop de traînée).
Sur le diagramme comparant vitesse moyenne et vitesse de pointe, l’A525 se situe dans la moitié haute du plateau, au même rang que certaines écuries de pointe.
Comparaison avec les autres équipes
Les performances affichées par Alpine ne prennent tout leur sens qu’en les replaçant face à la concurrence. Pierre Gasly, avec le 5e temps du Jour 3, n’a été précédé que par Mercedes, Red Bull, Williams et McLaren, finissant à moins de 0,5 seconde de la référence de George Russell. Il a même devancé les Ferrari au classement de la journée (Leclerc 9e, Hamilton 6e sur SF-25).
Dans le paddock, on estime désormais qu’il n’y a « plus seulement quatre équipes en tête, mais six », incluant Alpine et Williams dans ce groupe de tête élargi. Williams a en effet réalisé un bond similaire (Albon 3e temps). Andrea Stella (McLaren) constate que « le gap avec le milieu de grille s’est resserré », et Alpine fait clairement figure d’outsider sérieux.
Gary Anderson tempère toutefois l’enthousiasme : il craint qu’Alpine ne fonctionne comme « une équipe à une seule voiture pendant une bonne partie de la saison », compte tenu de l’inexpérience de Jack Doohan.
Selon lui, Doohan est « correct mais pas au niveau d’Antonelli », le jeune pilote qui remplace Lewis Hamilton chez Mercedes. Il anticipe cependant que « Gasly et la voiture ont atteint leur maturité à la fin de 2024, donc s’ils peuvent continuer sur cette pente ascendante, [Pierre] marquera de gros points et frappera occasionnellement à la porte du podium ».
Perspectives pour la saison 2025
Au terme de ces essais hivernaux, Alpine peut aborder la saison 2025 avec un optimisme mesuré. Les objectifs affichés – fiabilité accrue, progression du châssis, réduction de l’écart avec le top 5 – semblent à portée de main. « Nous avons une bonne base de travail et une fondation solide pour démarrer la saison », déclare Oliver Oakes, qui insiste toutefois sur l’importance de ne pas surestimer l’écurie avant la première course.
Vers une saison de confirmation
• Pierre Gasly espère viser régulièrement le top 8 en qualification et des podiums ponctuels si l’occasion se présente. Son expérience et la confiance acquise lors de ces tests sont des atouts pour tirer rapidement le maximum de l’A525.
• Jack Doohan, encore rookie, a déjà engrangé de l’expérience grâce à trois journées sans encombre. Il se dit « enthousiaste » à l’idée de démarrer sa saison à Melbourne, même si l’apprentissage en course reste un défi : « Je vais à Melbourne avec de l’assurance. Il y a beaucoup plus à venir ».
Un développement clé tout au long de l’année
Le véritable juge de paix sera la capacité d’Alpine à faire évoluer l’A525 tout au long de la saison. Disposer d’une base saine offre l’avantage de se concentrer sur des mises à jour ciblées pour maintenir ou accroître la compétitivité. L’écurie a déjà collecté une quantité massive de données (plus de 2 000 km couverts) et entend poursuivre les optimisations aérodynamiques et mécaniques dans les prochains Grands Prix.
Reste à confirmer les enseignements des essais en conditions réelles : gestion du carburant, choix stratégiques, adaptation aux évolutions de piste et à la météo. Les premiers indices sont encourageants : la consommation n’a pas posé problème sur les runs longs, et aucun des pilotes n’a dû ralentir exagérément pour économiser du carburant, laissant augurer une unité de puissance Renault efficace.
Donc, Alpine progresse…
En définitive, Alpine ressort grandie de ces essais de pré-saison 2025 à Bahreïn. Des premiers tours solides le Jour 1 à la fiabilité et la compétitivité affichées le Jour 3, tout indique que l’A525 s’inscrit en net progrès par rapport à l’A524. Pierre Gasly frôle déjà les meilleurs, Jack Doohan a engrangé de précieux kilomètres et l’équipe semble en mesure de se mêler plus régulièrement à la lutte pour les places d’honneur.
Bien sûr, la prudence reste de mise : il est toujours difficile de connaître la hiérarchie exacte après des essais hivernaux, tant les programmes de roulage varient d’une équipe à l’autre. Néanmoins, l’optimisme gagne les rangs d’Alpine, qui aborde la saison 2025 avec la volonté de faire mieux qu’une 6ᵉ place au championnat Constructeurs.
Si la dynamique entrevue à Bahreïn se poursuit lors des premières courses, Alpine F1 Team pourrait bien jouer le rôle d’arbitre dans la bataille du haut de tableau – ou même prétendre à quelques coups d’éclat.
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