Fin des années 60. Symptôme d’une décennie de liberté, les autoroutes fleurissent sur le territoire français. La Gendarmerie Nationale, inadaptée à la surveillance de ces axes qui échappent encore aux limitations de vitesse, se voit dotée en 1967 de nouvelles unités : les Brigades Rapides d’Intervention (BRI). Pourvues de véhicules rapides et d’agents formés au pilotage, ces unités seront désormais capables de mener des missions d’escortes rapides et de lutte contre l’insécurité sur l’ensemble du réseau.
Un peu d’histoire
L’histoire des BRI, c’est aussi et surtout l’histoire des nombreux modèles d’exception qui les équipèrent. Dans notre pays qui peine de plus en plus à dissimuler sa nostalgie, ce large catalogue, témoin de l’évolution de l’automobile française, suscite aujourd’hui une certaine fascination, comme en témoignent les ouvrages et documentaires qui lui sont dédiés. Une fascination qui prend notamment sa source dans le rôle que joua Alpine, le vaillant constructeur dieppois, dont les gendarmes parlent encore avec autant de respect que d’affection.
Cette histoire commence en 1966, lorsque le Peloton de Gendarmerie d’Autoroute (PGA) de Nemours mena les premières expérimentations sur l’emploi de véhicules rapides. Deux modèles furent alors testés : La Matra Djet, équipée du moteur 1300 cm3 de la Renault 8 Gordini, et l’Alpine A110, alors propulsée par le moteur 1470 cm3 de la Renault 16. Si les deux véhicules furent retenus pour équiper les premières brigades, les gendarmes montrèrent vite une préférence pour la Berlinette, dont ils vantèrent la vivacité et l’agilité. Dès 1967, chacune des BRI se vit ainsi livrer au mois une A110, dans sa robe « Bleu Alpine Métal ».
À partir de 1971, les Berlinette fournies par l’usine de Dieppe aux BRI furent équipées du nouveau bloc 1600 cm3 et livrées en « Bleu moyen », couleur officiellement adoptée par la Gendarmerie en 1969.
En 1970, la Citroën DS 21, réputée pour sa tenue de route exceptionnelle, et la Citroën SM, pourvue du redoutable V6 Maserati, rejoignirent l’Alpine 110 dans les rangs des BRI. Face à ces deux fusées, la petite Berlinette, davantage conçue pour dompter les routes sinueuses et accidentées qui firent sa renommée, montra ses limites sur autoroute. En 1974, les BRI remplacèrent ainsi peu à peu les A110 par la petite dernière de la famille Alpine, l’A310.
L’A110 laisse la place à l’A310
Plus civilisée et confortable que son aînée, l’A310, présentée en 1971 au Salon de Genève, se voulait davantage taillée pour les longs trajets. La nouvelle GT française au profil acéré, conformément aux standards stylistiques de l’époque, fut ainsi d’abord fournie aux BRI en quatre cylindres, avant d’être livrée dans sa version V6 à partir de 1977.
La carrière des Alpine A310 à la BRI fut à la hauteur de l’engouement qu’elle suscita chez les gendarmes ; aux côtés des Citroën SM puis des inusables CX 25 GTI, elles offrirent leurs services aux BRI jusqu’en 1987.
Entre temps, en 1986, la Gendarmerie testa huit exemplaires de l’Alpine GTA, dévoilée au public un an plus tôt par Renault. Mais l’héritière de l’A310, victime de sa tenue de route perfectible, n’intégra finalement pas la flotte des BRI.
À tous ces modèles d’exception succédèrent, entre autres:
- la Renault 21 2L Turbo en 1992
- la Peugeot 405 T16 en 1995
- la 306 S16 en 1998.
Des véhicules performants, certes, mais souffrant d’un net déficit de caractère aux côtés de leurs aînées. Reconnaissons que la disparition d’Alpine en 1995 et l’assagissement de Citroën avaient laissé un vide dans l’histoire de la GT française. À tel point qu’en 2006, les BRI délaissèrent les constructeurs nationaux en choisissant comme nouvelle monture la Subaru Impreza, avant de renouer avec le losange et sa Mégane RS en 2011, leur actuel véhicule.
D’ici quelques années se posera à nouveau la question ; quel nouveau modèle pour équiper les Equipes Rapides d’Intervention, héritières des BRI ? Espérons qu’aux côtés du confort routier et des performances pures, l’allure et le caractère figureront au cahier des charges de la Gendarmerie. La force publique, celle qui jadis montait à cheval, qui portait les bottes et la moustache, se doit d’être efficace, oui, mais aussi intimidante, majestueuse, peut-être même orgueilleuse. Un orgueil qui, à l’évidence, ne saurait être que français.
Voilà qui tombe bien : Alpine revient.
Documentaire sur l’escadron de la BRI en 1973 : Alpine A110 et Citroën DS
Documentaire : Rattrape-moi si tu peux – L’histoire des voitures de la Gendarmerie
Ecrit par Charles Laroze