L’annonce de la création d’Hypertech Alpine, un centre d’ingénierie de pointe à Viry-Châtillon, a peut-être marqué une nouvelle ère de succès pour Alpine et le Groupe Renault.
C’était sans compter sur la disparition programmée d’Alpine Racing en raison de l’arrêt du développement du moteur Renault F1 V6. Loin d’être une transition en douceur, cette décision de la direction du Groupe Renault a marqué la fin de plus de 40 ans de savoir-faire unique et d’excellence française en Formule 1, en essayant de sauver le projet RS26, qui promettait d’être un moteur révolutionnaire à l’horizon 2026.
Malgré les efforts de l’équipe Alpine, la course semble perdue d’avance. Cette fin abrupte, teintée de désillusion, marque un fossé profond entre le passé glorieux de Renault en Sport Automobile et son avenir incertain, réorienté vers la technologie électrique et les enjeux économiques.
La bataille pour la défense du RS26 – La mort annoncée du moteur Renault F1, Viry-Châtillon
Le 22 septembre 2023, sur le site historique de Viry-Châtillon, une rencontre importante a eu lieu entre le comité d’entreprise d’Alpine Racing et Luca De Meo, PDG du Groupe Renault. La discussion a porté sur l’avenir du moteur Renault F1 V6, dit RS26, dont le développement est déjà bien avancé pour répondre à la nouvelle réglementation prévue en 2026.
Délégués du personnel, ingénieurs et membres du comité d’entreprise ont uni leurs forces pour développer un argumentaire complet en faveur de la poursuite du projet. L’objectif était de convaincre Luca De Meo que l’arrêt du développement du moteur français était plus qu’une simple réorganisation stratégique. Il s’agissait de protéger l’autonomie technique d’Alpine, son statut d’équipe d’usine et le savoir-faire industriel national accumulé au cours de décennies de concurrence et d’innovation.
Des propositions concrètes pour sauver le moteur RS26
Alpine Racing a fait preuve de pragmatisme et de créativité, non seulement en exprimant ses préoccupations, mais aussi en proposant des solutions concrètes. L’une des principales propositions était de laisser le moteur RS26 faire ses preuves dès la première saison de la nouvelle réglementation en 2026.
C’était simple : donner à la technologie développée à Viry-Châtillon une chance de rivaliser avec les autres moteurs de la grille, et si elle s’avérait moins performante, prendre la décision finale de passer aux moteurs Mercedes.
Cette approche, visant à préserver les investissements et le savoir-faire accumulés, n’a pas suffi à convaincre la direction du Groupe Renault.
Un revers pour l’industrie française et ses talents
Malgré le travail acharné du personnel et du comité d’entreprise, la décision finale de Renault a été d’arrêter le développement du moteur RS26 à la fin de la saison 2025. Ce choix est perçu comme une trahison de la tradition française de la Formule 1 : le moteur RS26 n’était pas seulement un projet d’ingénierie, mais un symbole de la philosophie, de l’excellence sportive et de l’engagement en faveur de l’innovation constante qui ont caractérisé l’histoire de Renault dans la classe la plus élevée du sport automobile.
Depuis l’introduction de la V6 hybride en 2014, Renault a fait face à de nombreux défis, tant en termes de fiabilité que de compétitivité, mais a toujours maintenu une approche d’amélioration continue. La fin de ce programme signifie un arrêt brutal pour les ingénieurs de Viry-Châtillon, qui voient leurs années de travail et de savoir-faire sacrifiées et enfumées sur l’autel des impératifs économiques.
Les conséquences de choix économiques au détriment de l’identité Alpine
La décision de Renault de passer aux moteurs Mercedes à partir de 2026 avait pour principal objectif de réduire les coûts.
Le développement d’un moteur en interne coûte environ 125 millions d’euros par an, alors qu’un moteur de client, comme celui fourni par Mercedes, ne coûte que 20 millions d’euros par an. Si cette différence semble logique d’un point de vue financier, elle représente un risque considérable pour Alpine.
En adoptant un moteur externe, Alpine perd son statut d’équipe d’usine. Alpine, autrefois fière de son autonomie et de sa tradition technique française, est désormais dépendante de moteurs britannico-allemands fabriqués à Brixworth.
Hypertech Alpine : un début prometteur, mais une vision fragile de l’avenir
Unité de surveillance de la F1 : une tentative d’entretenir la flamme
Pour compenser l’impact de l’arrêt du développement du V6, Alpine annonce la création d’une F1 Monitoring Unit. Celle-ci a pour mission de suivre l’évolution technique de la F1, de préserver le savoir-faire de Viry-Châtillon et de continuer à travailler sur des projets liés à la compétition. Mais cette cellule de veille est avant tout une mesure transitoire, une tentative de préserver l’héritage technologique de Renault en F1.
Cela rappelle l’année 1987, lorsque Renault s’est retiré de la F1 après l’ère du moteur turbo, pour revenir en 1989 avec le V10 à aspiration naturelle, qui a connu un grand succès. Cependant, dans le climat actuel de contraintes économiques et de progrès technologiques rapides, une telle renaissance n’est pas à attendre.
Hypertech Alpine , ou une nouvelle ère d’électrification
Suite à cette décision, Alpine a annoncé la création de l’Hypertech Alpine. Hypertech Alpine devient un centre d’ingénierie de pointe qui se veut à la fois une source d’innovation pour les véhicules de haute performance et un engagement de continuité pour les ressources humaines basées à Viry-Châtillon.
Les activités d’Hypertech Alpine se concentreront sur le développement de technologies de batteries de nouvelle génération, telles que les batteries à l’état solide à très haute densité énergétique, et sur le perfectionnement des moteurs électriques en coopération avec Ampere. Ce centre jouera également un rôle important dans le développement des futures supercars Alpine. Ce modèle incarnera la performance, l’innovation et l’esprit d’Alpine dans le monde de l’électromobilité.
Plus d’âme F1, mais le même œil pour la compétition
Malgré l’abandon du moteur de F1, Alpine est présente dans plusieurs disciplines du sport automobile. Hypertech Alpine continue de soutenir le programme d’endurance WEC, les compétitions clients, la Formule E et les rallyes raids des marques partenaires.
Du côté du WEC, l’avenir s’annonce sous les meilleurs auspices grâce à des investissements accrus. Il y a quelques jours, Alpine a annoncé prendre une participation dans Signatech, l’équipe d’endurance dirigée par Philippe Sinault, qui possède un palmarès impressionnant dans le domaine de l’ELMS et le WEC.
Cependant, bien que ces activités soient stratégiques, elles ne remplacent pas la passion, la visibilité et l’influence mondiale de la Formule 1. La cellule horlogère F1 est destinée à être un pont entre l’expertise historique de Viry-Châtillon et l’avenir d’Hypertech Alpine, mais comme le développement des moteurs de Formule 1, la cellule horlogère F1 n’a pas le poids ni la capacité de générer la même ferveur et le même dynamisme d’innovation.
Hypertech Alpine, une réaffectation des ressources au service d’Alpine et du Groupe Renault
Basé à Viry-Châtillon, Hypertech Alpine ouvrira ses portes d’ici fin 2024 en tant que futur centre d’excellence pour Alpine et le Groupe Renault. Le centre réunira des experts du sport automobile de haute performance afin de développer des technologies de pointe pour les voitures du futur.
En étroite association avec le sport automobile, ce centre d’ingénierie de pointe jouera un rôle clé dans plusieurs grands projets du groupe.
Alpine Supercars et la batterie du futur
Hypertech Alpine contribuera au développement de la future Alpine Supercar, qui incarnera les performances et l’expertise de la marque. Mais son champ d’action va bien au-delà.
Le centre travaillera également sur de nouvelles technologies de batteries dans le but de développer des solutions à haute densité énergétique. Parmi ces technologies figure la batterie « à l’état solide », qui promet de révolutionner les performances des voitures de sport, notamment dans des conditions extrêmes.
L’équipe d’ingénieurs d’Hypertech Alpine se consacrera aussi à la technologie des moteurs électriques en partenariat avec Ampere. Le centre soutiendra la préparation de la prochaine génération de véhicules de haute performance en menant des activités de recherche avancée, anticipant ainsi les percées technologiques attendues dans le secteur des véhicules électriques.
L’équipe de Viry-Châtillon, reconnue pour son expertise dans le sport automobile, poursuivra et renforcera les programmes déjà en place, tels que le Championnat du monde d’endurance (WEC), la Formule E, et le Rallye Raid pour les marques partenaires. L’objectif est de maintenir une forte présence dans les compétitions les plus prestigieuses et d’affirmer le leadership d’Alpine dans ce domaine.
Le développement des centres d’excellence d’Alpine
Le site de Viry-Châtillon connaîtra une transformation avec une réallocation des ressources. Les employés actuellement engagés sur les projets de moteurs F1 se verront proposer de nouvelles fonctions. Un département dédié, composé de représentants de la direction, des ressources humaines et des employés, sera chargé de fournir les dispositifs de soutien et de formation nécessaires pour assurer une transition en douceur vers le nouveau projet.
Ce plan stratégique s’inscrit dans la vision à long terme d’Alpine. Hypertech Alpine vise à élargir sa gamme à sept modèles d’ici 2030 et à devenir un pilier essentiel de la croissance et de l’innovation pour la marque.
Ils ont dit
Philippe Krief, CEO Alpine
« La création de ce centre Hypertech Alpine est clé pour la stratégie de développement d’Alpine et, plus largement, pour la stratégie d’innovation du Groupe.
C’est un tournant dans l’histoire du site de Viry-Châtillon qui permettra de pérenniser un savoir-faire et d’inscrire ses compétences rares dans le futur ambitieux du Groupe, en renforçant également Alpine dans sa position de « garage de l’innovation».
Son ADN sportif demeure un pilier de la marque et continuera à nourrir, notamment grâce à Hypertech Alpine, un projet industriel et automobile sans précédent.»
Conclusion : l’avenir d’Alpine entre déclin, régénération, réalisme et nostalgie
L’arrêt du moteur Renault F1 V6 a été un tournant douloureux pour Alpine et le Groupe Renault : la mobilisation à Viry-Châtillon pour sauver le RS26 a été intense, mais n’a pas suffi à convaincre une équipe dirigeante résolument tournée vers la réduction des coûts et le changement d’orientation stratégique. Il n’en fut rien.
La création d’Hypertech Alpine annonce une nouvelle ère pour la marque, axée sur la technologie électrique et la haute performance, mais laisse un goût amer de déclin à ceux qui ont connu les grandes heures de Renault en Formule 1.
La volonté du secteur horloger de la F1 de conserver un savoir-faire précieux symbolise son désir de maintenir ses liens avec cet illustre passé.
Alpine saura-t-elle trouver l’équilibre entre la richesse de son patrimoine et sa vision de l’avenir, ou sera-t-elle un sacrifice irréparable pour l’industrie automobile française ?
Nous connaissons déjà la réponse, nous vous en laisserons seul juge…
Source : Alpine Cars