Un an après le lancement décevant de la GT V6 dans sa version atmosphérique, Renault-Alpine dévoile enfin la version qui doit mettre la concurrence à mal et imposer la nouvelle ligne de la marque : la GTA Turbo, un V6 atmo mais avec un Turbo. Pourquoi commercialiser une auto aussi importante d’abord en version « standard » pour commercialiser 12 mois plus tard, la version étendard ?
Récit d’une catastrophe annoncée…
American dream
Le V6 GT Turbo à d’abord été imaginé pour remplacer la vieillissante A310, qui en 1985, fêtait ses 15 ans de carrière, l’A310 avait limité la casse avec l’apparition du V6 PRV dès 1976 face à l’ennemie de toujours : Porsche. En 1984 la rumeur de l’arrivée d’une nouvelle Alpine est telle que les rumeurs apparaissent aussi vite qu’elles ne disparaissent, surtout la GTA, est la première Alpine conçu sans Redélé, parti en 1978, après le rachat de Renault, Jean Redélé ne se sentant plus maître à bord.
Le maître parti, Renault est seul pour définir une nouvelle feuille de route pour la marque. C’est tout naturellement vers les Etats-Unis que la marque nourri l’espoir d’accroître ses ventes et d’affronter encore plus Porsche qui réussit chez l’oncle Sam. Ce nouvel espoir va venir de la coopération entre Renault et feu AMC (American Motors Coporation) en 1979.
DES ERREURS DE DEBUTANTS…
La première erreur dans la conception de la voiture est l’absorption de la marque Alpine comme une simple « griffe », une finition voire un préparateur.
Les têtes pensantes de chez Renault devaient sortir de soirée lorsqu’ils se sont dit que se serait une bonne idée d’inclure Alpine comme un simple « plus » dans la conception d’une GT plutôt que d’en faire un modèle propre à Alpine. On se rappel de mon précédent article sur la GTA, que je vous disais que l’on n’achète pas une Alpine comme on achète une Renault. Malgré une base éprouvée et triée sur le volet, la GTA est un pur mélange d’éléments provenant de l’ensemble de la gamme Renault.
La GTA a pour elle, une ligne distinctive et une fabrication semi-artisanale. Malheureusement pour l’ex-régie, on ne chasse pas Alpine pour la renommée simplement Renault. La clientèle fera payer cet affront. Renault négligeant également la présentation intérieure signé Gandini et le manque de sonorité du moteur. C’est à partir de la Le Mans que Renault va comprendre son erreur… On ne se s’attaque pas à Porsche la fleur au fusil.
L’attente des clients potentiels, était énorme, quinze ans étaient passés entre la sortie de l’A310 et la présentation de la GTA. Jean Redélé souhaitait relancer la marque vers une offre plus grand public. La GTA était la réponse que la marque ne faisait pas que des berlinettes, tandis que l’A310 mélangeait esprit berlinette et grand tourisme.
La GTA s’éloignait de l’esprit des berlinettes et arrivait dans la catégorie des GT dont Porsche était le maître, l’objectif de toujours de Redélé : abattre ou du moins être au niveau de Porsche. L’attente était longue, dire que la GTA était attendue est un euphémisme, elle était la réponse attendue (!).
Découvrir la GT V6 sans Turbo ne fut pas sans déception, le lancement à deux vitesses va faire fuir la clientèle. La clientèle va aussi rester sur sa fin, avec une GT qui bien qu’elle vise Porsche manque d’envergure. Et à cela la réponse est à trouver du côté de Renault…
UNE CONCEPTION A DEUX VITESSES
Renault limitant Alpine aux choix des organes mécaniques, l’A310 fut d’abord uniquement proposé en quatre cylindres (!). N’enlevant en rien, les qualités de dynamique du coupé, l’A310, n’a pas fait trembler Porsche ou encore Maserati. Malgré d’excellente qualité, ses performances, son manque de noblesse mécanique lui fera défaut jusqu’en 1976 avec l’apparition de l’offre V6 PRV sous son capot. Mais il est déjà trop tard pour cette voiture présentée en 1971…
Auto Hebdo, publiera en couverture le 11 octobre 1984 – moins de 6 mois avant la présentation officielle de la GTA – les photos volées de la voiture.
Evidemment, en 1984, la rumeur annonce une nouvelle Alpine équipée du V6 PRV et surtout d’un Turbo. Les attentes sont immenses de la part de la clientèle, avide de nouvelles sensations. La ferveur est telle, que la presse cherche à tout prix d’avoir un scoop au sujet de l’auto. Auto Hebdo, publiera en couverture le 11 octobre 1984 – moins de 6 mois avant la présentation officielle de la GTA – les photos volées de la voiture. Dès lors, de mal en pis, Renault entreprit de ne présenter que la GT V6 en version atmosphérique et tant pis pour la Turbo qui devra attendre. Est-ce que Renault à voulu reprendre en mains sa communication autour du nouveau modèle ou est-ce de la précipitation ? Seule l’histoire le sait…
Autour de la nouvelle GTA se pose de nombreuses questions, les jantes disgracieuses qui ressemblent à des enjoliveurs (dont l’idée de départ est de privilégier l’aérodynamique), une tenue de route critiquable et une finition intérieure bâclée.
Habituellement, les constructeurs présentent leurs nouveautés dans leur version les plus haut de gamme et les plus puissantes afin de faire rêver et de jouir d’une certaine notoriété. Renault-Alpine va faire le choix de ne faire qu’à sa tête avec la présentation en premier de la V6. Les journalistes ne vont faire qu’une bouchée de la GTA. Malheureusement, entre la mauvaise qualité de l’intérieur les jantes « enjoliveur » et seulement 160 ch, la pauvre GTA n’inverse pas la vapeur. C’est donc dans un contexte compliqué qu’arrive la V6 Turbo…
Un design d’horlogerie suisse
Le coup de crayon est signé des équipes de Gerard Godefroy et son équipe d’Heuliez en collaboration avec le Berex dirigé par Yves Legal. Si la V6 s’inspire de l’A310, elle doit faire rentrer Alpine ou Renault-Alpine dans une nouvelle ère. Le résultat du cahier des charges est léger et met principalement en avant un Cx très bas. Objectif atteint avec un aérodynamique de seulement 0.30. La différence avec la V6 qui est elle à 0.28, est l’aileron installé à l’arrière de la GTA Turbo.
Je ne reviendrais pas sur l’esthétique du coupé, seul quelques détails distinguent la GT V6 à la Turbo : premièrement la présence de l’aileron arrière, des blocs optiques arrière fumés, de jantes 15 pouces inspirés des turbines des turbo – plus esthétique que les jantes des GT – des emblèmes « V6 Turbo » sur les custodes latérales et c’est à peu près tout…
Le rôle de l’aileron est tout sauf fait pour la figuration, si la GT a été pensé dès le départ pour éviter l’effet tout à l’arrière des précédentes Alpine, l’aileron permet l’appui du train arrière et alimente en air frais les échangeurs air/air. Entre les deux blocs optiques, la grille aère le V6 PRV turbocompressé.
A l’intérieur, la planche de bord est ergonomique et bien pensée. Derrière le volant au « A » fléché, on retrouve le tachymètre, l’ordinateur de bord (hyper moderne on vous a dit) et le compte-tours. A gauche du tableau de bord, des indicateurs additionnels sont ajoutés avec des commodos de commande d’accessoires et un aérateur, et à droite les témoins d’avertissement, des contacteurs et un superbe aérateur.
Pour la partie console centrale qui démarre sous la planche de bord, accueille l’ensemble radio – de la radio simple à la mini-chaîne selon les options. Le tunnel central reçoit levier de vitesses installer en décaler vers le conducteur. Les sièges pétale offre une excellente position de conduite assis bien bas et jambes tendues. Alpine ajoute à l’ensemble deux petites places, qui accueillent plutôt des enfants ou des amis contorsionnistes. En série, du moins, sur les premiers millésimes on retrouve le tissus « en drap » des versions GT V6. Décevant en qualité perçue. Les clients profiteront vite du velours et du cuir (en option).
V6 Turbo : missile sol/sol
Un an après la commercialisation de la GT V6, Renault présente la V6 Turbo, un moteur plus performant et plus évocateur. La sortie de la GT V6 Turbo est aussi inscrite dans une période, les années 80, ou la pluspart des constructeurs (dont Renault en tête) ne juraient que par des motorisations Turbo. La GT coïncide avec le lancement de la Renault 25 équipée… du V6 PRV Turbo. Tandis que la 25 avait droit à 205 ch, l’Alpine n’aura le droit qu’à une petite puissance de 200 ch qui tombera à « seulement » 185 ch lors du passage catalysé…
Les premières GTA peuvent compter sur 200 ch accessible dès 5 750 tr/min.
Le vilain petit canard allait enfin avoir droit d’être un cygne fort d’un Turbo Garret T3 avec 0.65 bars en guise de poumon, complété d’un échangeur air-air, à l’ancienne et surtout à près de 300 Nm dès 2500 tr/min. Selon le régime moteur, le turbo se fait sentir avec un temps de réponse rapide. Les premières GTA peuvent compter sur 200 ch accessible dès 5 750 tr/min. Le V6 Turbo autorise une conduite souple et facile grâce au couple disponible. De plus, on pouvait compter sur une boîte à 5 rapports agréable et à l’excellente prise en main. L’Alpine devient un véritable missile air/air capable d’aller sur les plates-bandes des Porsche 911 et 944 Turbo.
L’Alpine est sur le papier l’arme absolu contre Porsche, les chiffes la présente comme une véritable bombe. Une consommation de seulement 11 à 12 litres aux cent, le 0 à 100 km/h est battu en seulement 7″3. Tandis que le départ arrêté est lui atteint en 27″ et les 250 km/h ne sont qu’une formalité.
UNE CONSTRUCTION SUR MESURE
Doté d’un châssis poutre en acier reprit de la V6 atmosphérique, la carrosserie est habillée d’éléments en fibres de verre composite qui a été choisi dans le cadre de la petite série. Le plastique a la particularité d’être plus léger que l’acier. Ainsi à vide la GTA Turbo ne pèse que 1210 kg. D’un point de vue technique, seules les suspensions plus dures et le réglage de trains est spécifique à la Turbo. La partie moteur, est occupée par un V6 PRV revue par les équipes Alpine, il bénéficie d’une attention particulière : ce dernier a dû être adapté sur de nombreux points de par son installation centrale arrière. Ce qui expliquera par la suite la perte de puissance sur la GT V6 Turbo Le Mans, le catalyseur faisant perdre des chevaux tandis que la 25 V6 Turbo passait à 205 ch.
Le freinage de la GTA Turbo excelle, il est doté de quatre freins à disques ventilés qui remplissent leur usage avec compétence…
Contrairement aux idées reçues, le V6 de l’Alpine n’est pas strictement identique à celui de la Renault 25 puisqu’il a dû être adapté en de nombreux points à un environnement différent, et notamment de l’implantation de la boîte de vitesses. Ce dernier point expliquera en grande partie la perte de puissance sur la V6 Turbo Le Mans avec l’adoption du catalyseur alors que dans le même exercice la 25 V6 Turbo catalysée passait à 205 ch.
Le freinage de la GTA Turbo excelle, il est doté de quatre freins à disques ventilés qui remplissent leur usage avec compétence. Malgré un avant qui s’allège rapidement au fil de la conduite rendant les freinages avant délicats dès que ce dernier est inopiné, bloquant les roues. Le système de freins est repris de la version V6 puisqu’il est jugé suffisant par les ingénieurs du Berex. Cependant, le système ABS, en option, arrivera rapidement pour seconder le freinage. Les roues restent en 15 pouces, seuls les pneumatiques évoluent entre GT V6 et GT V6 Turbo, chaussés de Michelin MXW en 195/50 VR 15 à l’avant, l’arrière aura le choix ente 225/50 VR 15 et en option au largeur 255/45 VR15.
ALPINE V6 TURBO MILLE MILES
La plus charismatique des Renault-Alpine GTA est certainement la série limité Mille Miles. Si l’esthétique et la mécanique n’évolue pas par rapport à une V6 Turbo, c’est dans le détail que l’auto marque les esprits.
Créer pour commémorer l’anniversaire d’Alpine, elle marque surtout le retour du logo d’Alpine sur le capot des GTA. Dès le millésime 1990, toute la gamme Alpine reprend le logo du « A » fléché. La marque commerciale n’est plus Renault-Alpine mais Alpine. Un retour au source tardif.
Extérieurement, la Mille Miles se distingue par ses jantes alu façon turbine identique au V6 Turbo mais polies et vernies. Un adhésif en forme de flamme avec l’appellation « Mille Miles » est collé au-dessus du feu avant droit sur le capot. L’unique teinte proposée et imposée sera le rouge nacré vernis (code 776). A l’intérieur, statuquo, seul un cuir gris recouvre intégralement l’habitacle du tableau de bord aux sièges. Petit summum de l’époque un porte-carte en cuir noir est installé. On retrouve aussi l’ABS et une chaîne stéréo Renault 4×20 watts avec 6 haut-parleurs avec commandes satellite autour du volant de série.
Seul 100 exemplaires sont construits, ils disposent tous d’une plaque numérotée de 1 à 100. Pour l’anecdote la première GTA Mille Milles est resté à Dieppe, propriété de la marque.
J’espère vous avoir donné envie de conduire un jour une GTA, sachez qu’une Renault-Alpine GTA Turbo, côté bourse, on trouve des exemplaires de GTA V6 Turbo à partir de 22 000€ voire au-dessus de 50 000€ pour la série Mille Milles.
CHIFFRES DE PRODUCTION
- 1985 : 398 exemplaires
- 1986 : 1035 exemplaires
- 1987 : 1051 exemplaires
- 1988 : 1092 exemplaires
- 1989 : 445 exemplaires
- 1990 : 61 exemplaires
- TOTAL : 4082 exemplaires
Il me semble que GT et Turbo ont le même aileron arrière