Alpine A220 1968 | L'Alpine A220 : La Belle Illusion

L’Alpine A220 : La Belle Illusion

Dans quelques jours s’ouvriront à Paris les portes du Salon Rétromobile qui, depuis 1976, réunit chaque année les plus belles voitures anciennes de France et de Navarre. Ceux qui auront la chance de déambuler dans ses allées y croiseront peut-être une dame âgée de bientôt cinquante ans, originaire de Dieppe et vêtue d’une superbe robe bleue : l’Alpine A220. Retour sur l’histoire d’une des plus belles créations d’Alpine.

Alpine A220

En 1963, soit près de dix ans après la création de sa société, Jean Rédélé lança ses Alpine à l’assaut des circuits. Ainsi furent construites, de 1963 à 1966, les Alpine M63, M64, M65 puis A210, notamment alignées au départ des 24 Heures du Mans. Propulsées par des moteurs quatre cylindres préparés par le célèbre Gordini, elles signèrent sur les circuits européens plusieurs victoires dans leur catégorie et remportèrent à plusieurs reprises le prix de la performance et de l’efficacité énergétique.

Fort de ces succès, le petit constructeur dieppois se donna dès 1967 pour ambition de monter sur le podium de l’épreuve sarthoise. Pour rivaliser face aux redoutables Ford, Porsche et autres Ferrari, Alpine se devait d’abord de monter en cylindrée. Amédée Gordini, dit « le sorcier », développa donc un nouveau moteur V8 à 90° spécialement conçu pour l’endurance. Constitué d’un bloc en fonte surmonté de deux culasses à double arbre à cames en tête, le « V8 Gordini », offrait une cylindrée de 2986 cm3 (87 x 63 mm) pouvant développer 280 ch.

Rédélé et Gordini

Jean Rédélé intégra donc ce moteur, qui avait l’avantage d’être très compact, à une Alpine A210 légèrement modifiée : L’A211 était née. Malheureusement, cette « greffe » sur un châssis conçu pour recevoir un plus petit moteur enfanta une voiture non optimisée et trop lourde, qui valut à cette unique création le surnom sans équivoque de « Grand-mère ».

Alpine A211

Une nouvelle voiture fut donc conçue en 1968 pour mieux exploiter le potentiel du V8 Gordini : l’Alpine A220.

Avec comme base un châssis multitubulaire, l’A220 adopta – pour la première fois dans l’histoire d’Alpine – une direction à droite, ayant pour double avantage d’être mieux adaptée au sens de rotation des circuits européens et de faciliter les changements de pilotes lors des ravitaillements. Afin de gagner en motricité, les radiateurs d’eau furent rejetés devant les roues arrière, ce qui permit d’affiner l’avant de la voiture. Le moteur fut lui aussi revu. Avec un alésage diminué à 85 mm et une course augmentée à 66 mm, le V8 Gordini, dont les carburateurs Weber furent également grossis, offrait désormais une puissance de 310 ch à 7500 tr/min. Mises bout à bout, ces modifications permirent à l’A220 d’atteindre un poids de 680 kg, soit 100 kg de moins que l’A211, pour des dimensions de 4,64 m de long, 1,69 m de large et 1,03 m de haut.

La carrière de l’Alpine A220 en compétition débuta en avril 1968 aux 1000 km de Monza, où Bianchi et Grandsire, huitièmes sur la grille de départ, ne terminèrent pas la course. Un mois plus tard, la belle bleue s’attaqua à l’enfer vert du Nürburgring mais, faute d’un accident aux essais, ne put prendre le départ. Aux 500 km de Zeltweg, en août, c’est une fuite d’huile qui entraîna l’abandon de l’A220 au 27ème tour.

C’est donc avec ces résultats décevants que l’Alpine A220 se présenta aux 24 Heures du Mans 1968, reportées en septembre à cause des événements de mai – report qui constitua d’ailleurs une aubaine pour Alpine, qui put construire pas moins de quatre A220 courant août pour s’attaquer à l’épreuve reine.

Alpine Le Mans 1968

Malheureusement, seule l’A220 n°30 de Cortanze-Vinatier vit le drapeau à damier, sous lequel elle passa en huitième position, à plus de trente tours de la Ford GT40 victorieuse. La n°28 de Grandsire-Larrousse dut en effet abandonner au 59ème tour sur un problème de frein, avant que la n°29 de Guichet-Jabouille ne se retire au bout de 185 tours sur une défaillance d’alternateur et que la n°27 de Bianchi-Depailler ne sorte fatalement de piste deux heures avant l’arrivée. Les quelques Alpine A210 que la marque avait également alignées au départ firent ainsi presque meilleure figure, se classant juste derrière l’A220 rescapée et remportant le prix de la performance et de l’efficacité énergétique. C’est donc avec un goût amer qu’Alpine repartit du Mans, la dernière création n’ayant manifestement pas les moyens de ses ambitions…

La fin de saison 1968 fut néanmoins plus encourageante, les A220 se classant 4ème et 6ème des 1000 km de Paris le 13 octobre avant de s’imposer au circuit de la Corniche de Casablanca deux semaines plus tard.

C’est donc sans grandes certitudes qu’Alpine aborda la saison 1969. D’autant que les évolutions de l’A220 par rapport à 1968 furent modestes. Côté aérodynamique, la garde au sol fut réduite de quelques centimètres. Côté mécanique, quelques modifications furent effectuées pour améliorer la fiabilité de la voiture mais la puissance, qui avait tant fait défaut en 1968, plafonnait toujours à 320 ch.

Aux 1000 km de Monza, un même problème sur le moteur empêcha l’A220 de Andruet-Grandsire de prendre le départ et contraignit celle de Cortanze-Vinatier à l’abandon dès le 10ème tour. L’Alpine de Depailler-Jabouille, quant à elle, fut classée 6ème malgré un accident dans les derniers tours. Quelques semaines plus tard, aux 1000 km de Spa, l’A220 de Cortanze-Vinatier se classa 17ème, quatre places devant celle d’Andruet et Van Lennep. La troisième A220, pilotée par Jabouille et Grandsire abandonna en course sur souci de boîte. À quelques semaines seulement des 24 Heures du Mans, l’A220 avait de quoi inquiéter…

Le circuit du Mans, impitoyable, n’épargna pas Alpine. Aucune A220 ne vit l’arrivée. Au 48ème tour, la n°30 de Grandsire et Andruet abandonna sur une rupture de joint de culasse, tout comme la n°31 de Thérier-Nicolas au 160ème tour. Cortanze et Vinatier durent quant à eux renoncer suite à une rupture de conduite d’huile au 133ème tour. La dernière A220, la n°31 de Jabouille et Depailler abandonna sur casse de bielle 209ème tour. La seule consolation pour Alpine fut la victoire de l’A110 n°50 à l’indice de performance. Ainsi s’acheva la courte et décevante carrière des A220 en endurance, sur fond de querelle entre Gordini et Alpine, se rejetant la responsabilité des échecs répétés.

Les A220 ne furent néanmoins pas toutes immédiatement rangées au garage. Après une troisième place à la Course de côte de Chamrousse en juillet et une seconde place au Grand Prix de Nogaro en août, Jean-Pierre Jabouille convainquit Jean Rédélé d’aligner l’une des A220 au départ du Tour Auto en septembre, jugeant ce modèle particulièrement adapté à ce parcours mêlant piste, route et côtes. Rédélé fit donc tronquer l’arrière d’une des A220 (le modèle « 1731 »), y ajouta un spoiler avant inédit, et dota la voiture d’une batterie de phares et d’un séparateur entre le pilote et le copilote. Celle-ci fut finalement alignée au Critérium des Cévennes le 22 novembre où Jean-Pierre Jabouille et son copilote Jean-Claude Guinard durent abandonner sur panne électrique. Ainsi s’acheva l’expérience rallye pour l’A220, Alpine ayant décidé de concentrer – sûrement à juste titre – l’essentiel de son petit budget sur la prometteuse Berlinette.

Les carcasses des A220 furent remisées, puis oubliées. Quelques-unes, sauvées de la destruction, furent restaurées par des passionnés peu rancuniers. Grâce à leur travail méticuleux – et onéreux – plusieurs A220 tournent aujourd’hui dans des courses historiques. L’occasion de rendre hommage à une belle dame qui, malheureusement, ne sut jamais faire rimer élégance et performance.

Alpine A220 Le Mans Classic

 

Crédits photos : News d’Anciennes

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